A quoi ça cerf, la chasse à courre ?

A quoi ça cerf,

la chasse à courre ?

 

Dès l’aube ils préméditaient en lisière de forêt l'infamie

Dans ce présumé silence qui ne trompait guère

L'ivresse, l'excitation imprégnaient le vent

Je reniflais la passion malfaisante du sang

Le protocole s'enclenchait comme un rituel

Affûtant les mors de leurs chevaux

Enflammant la rage de leurs chiens

Aiguisant le fer de leurs fusils

Puis soudain retentissaient les trompettes de la mort

Qui sonnent le glas de la poursuite sanguinaire

Nerfs à vif, je me mis au galop dans un épais brouillard

L’art de se faufiler ne suffira pas cette fois

Mon sabot s’étant brisé sur un rocher

J'affrontai leur implacable détermination

Qui faisait trembler les feuilles les arbres

Dans cette fuite infernale, je m'engouffrais

J’empruntais des chemins escarpés

L'esprit emporté par un tourbillon d’émotions

Je bondissais entre peurs et folies hallucinantes

Où Les chiens hurlaient dans ma foulée

Les hommes aboyaient juste derrière

Ce vacarme assourdissant propagea la panique

Mon ami le renard se glissa impuissant dans son terrier

Madame la chouette ma confidente s'envola le cœur serré

La horde de sanglier épargnée

Je reste le trophée, la cible à abattre

Une longue traque sans répit, des heures à lutter

À avaler la poussière, le souffle haletant,

J'étais parvenu à les distancer

Malheureusement mon parcours s'achevait

Sur le territoire hostile de l'ennemi

Epuisé, en sursis je me suis effondré

Le sang jaillissant de ma gueule

Piégé dans ce jeu de la mort et du hasard

Pris de vertige, terrassé par l’assaut final, j’attends

Loin de mon harmonieuse plaine des chênes, j’attends

Egaré dans mes souvenirs qui s’étiolent, j’attends

La mort dans ce qu'elle dévoile de terrifiant, l'incertitude

La mort dans ce qu'elle inflige en solitude

Sur ce sol glacé à attendre le coup fatal

J'ignore de quel côté elle va surgir pour m'anéantir

Je reste aux aguets tel un funambule

Elle rôde dans l'ombre, se dissimule

Elle sait apparaître sous des tenues verdâtres

Le temps s'écoula jusqu'à cet attroupement

Qui se dressait autour de moi

Comme l'annonce d'un épilogue macabre

Improbable !

Ô main salvatrice ! Cette main qui vint adoucir mes douleurs

Alors je compris qu’on m’offrait un cercle protecteur

Sous les yeux effondrés puis soulagés des enfants

Je réalisai que les hommes ne s’accordaient pas tous à me chasser

Et pour leur seul plaisir me condamner au supplice

Certains se délectaient du jeu cruel de la mort

Tandis que d’autres s’évertuaient à me laisser regagner la forêt

Et ainsi me rendre à la vie

A ma vie sauvage et libre

 

                                                                Laurent Mendy

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