Rousse et alors ?

Rousse, et alors ?

Naissance d’une muse en automne

 

Une enfance confinée dans les couloirs

Aucun sourire ne sut fleurir sa figure

Harcelée soumise aux feux d’odieux défouloirs

La récré était le berceau de longues blessures

 

Que de railleries, crachées par d'autres enfants

Elle endurait arrachant ses cheveux de rage

Mais ils rejaillissaient plus durs et plus saillants

Comment se délier de ce maudit entourage ?

 

Victime d'adolescents bien peu éclairés

Qui se déchaînaient sans scrupule, sa frimousse

Au regard frêle essuyait mille mots acérés

Parce que ni brune, ni blonde, mais hélas rousse

 

Pas de répit pour cette petite demoiselle

Sa chevelure lui portait préjudice

La condamnait à souffrir, âme à jamais rebelle

Dans ce monde hostile, jalonné de supplices

 

Or, un jour d’automne comme elle marchait hagarde

Elle se trouva en orée de forêt

Et s'enfonça dans un léger brouillard

Peut-être dans l'espoir d’y voir un signe secret

Ce fut un horizon salvateur pour elle, Enfin !

Les odieux tourments n'absorbaient plus son esprit

Une allée de fougères guidait son chemin

Sous un rideau de feuilles colorées et ravies

 

Ravies de découvrir cette jeune femme

Ôter sa capuche, livrer sa crinière

Incandescente comme brindilles en flamme

Eclats de feux dans l’infini des fougères

 

Eloignée du tumulte et de l'hostilité

Elle se mit à éclore dans ces teintes en liesse

Elle s'émerveillait de tant de reflets exaltés

Ses yeux reflétaient les jaunes, les rouges tendresses

 

Les roux, blond vénitien, s’offraient tels une déclaration

De couleurs pour rendre grâce à sa chevelure

Les chênes eux aussi se ralliaient à l'unisson

Et dans ce récital elle prit toute sa mesure

 

Un sentiment d'être invitée acceptée

Dans une mosaïque où les saules pleureurs

Dansaient devant son visage fasciné

Prenant soin d’effacer ses doutes ses frayeurs 

 

Elle semblait affranchie dans ce providentiel

Tableau d’automne, elle ne fuirait plus

Son esprit aussi léger qu’une hirondelle

S'était libéré des tirants les plus ardus

 

Plus loin sous l’immense cèdre ce fut l'apothéose

Renards et écureuils lui rendirent hommage

Tournoyant de concert dans la douce lueur rose

Elle pouvait effleurer leur doux et roux pelage

 

Vivre ! Emprunter cette destinée bienheureuse

S’imprégnant de ses bienveillants compagnons

Ses mains prodiguaient des caresses affectueuses

Aux uns, aux autres et même aux modestes buissons

 

Hissée au rang de muse, elle pouvait repartir

Sans craindre d’arborer sa sublime différence

Réconfortée, le cœur battant, heureuse d’offrir

Dans un ballet de mille feuilles au monde sa présence 



                             Texte : Laurent Mendy

                  Illustration : Mélanie Gentil

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